B) La persistance rétinienne

« Si l'œil qui regarde l'étoile se tourne rapidement de la partie opposée, il lui semblera que cette étoile se compose en une ligne courbe enflammée. Et cela arrive parce que l'œil réserve, pendant un certain espace, la similitude de la chose qui brille et parce que cette impression de l'éclat de l'étoile persiste plus longtemps dans la pupille que n'a fait le temps de son mouvement. »

Léonard de Vinci (1452-1519)

Le phénomène de persistance rétinienne fut observé par Léonard de Vinci à l'époque de la Renaissance, mais ce fut le chimiste et physicien britannique Michael Faraday (1791-1867) qui le démontra en 1825.

Ce phénomène essentiel de l'organisme nous permet de faire d'une succession d'images une animation. Et c'est le principe du praxinoscope.
Lorsque nous regardons un objet, l'image s'imprime sur la rétine, « écran » sensible à la lumière qui tapisse le fond de l'œil. Chaque image captée par la rétine met une
fraction de seconde à disparaître. C'est la persistance de la rétine.

Faraday

La rétine est tapissée d'environ 150 millions de récepteurs photosensibles: les cônes et les bâtonnets (hauteur d'environ 50 µm et diamètre de l'ordre de 1 à 3 µm). Elle comporte de 5 à 7 millions de cônes dans l'aire centrale correspondant à la fovéa.

Les
bâtonnets assurent la vision « incolore » et les cônes la vision des couleurs. Il existe trois types de cônes, sensibles soit au bleu, au vert ou au rouge.

Pour comprendre le phénomène en profondeur, il faut tester soi-même son œil…
1. Par exemple, découper une bande de carton comme ci-dessous (environ 6 cm sur 24 cm).
- tenir à bout de bras la bande de carton devant un objet : il est difficile de voir entre les fentes ce qui se trouve derrière.
- faire bouger la bande avec un mouvement de gauche à droite, toujours en le tenant à bout de bras : l'image est bien plus nette !!!

Lorsqu'on déplace le carton de gauche à droite, des images se succèdent rapidement et se superposent sur la rétine : à peine une image est-elle captée qu'une nouvelle la remplace. Et, comme c'est toujours la même image (même objet), on peut voir ce qui se trouve derrière la bande de carton.

2. Pour comprendre comment fonctionnent le praxinoscope et tous les appareils du même type, fondés sur la persistance rétinienne, livrez-vous à une deuxième petite expérience, qui est en fait un mini-folioscope.
Sur la première page d'un carnet, dans un coin, tracez un trait vertical. Sur la deuxième page, au même endroit, un trait identique mais légèrement oblique. Sur la troisième page, le même trait un peu plus penché. Sur la quatrième page, le même trait encore plus penché, etc…
Après avoir « décomposé » les positions de ce trait sur vingt ou trente pages, feuilletez rapidement le bord du carnet. Vous voyez le trait tourner sur lui-même !

Ces deux expériences nous montrent le « défaut » ou plutôt le « pouvoir » de notre œil. Dans le cas du praxinoscope, c'est la deuxième expérience qui nous intéresse plus précisément.

Il existe une limite à la vitesse perceptible par l'œil. La raison en est que la rétine sensible à la lumière ne cesse pas d'envoyer ses signaux au cerveau à l'instant précis où une scène se modifie, mais continue de le faire pendant une fraction de seconde. Du fait de cette lenteur rétinienne, les yeux ne peuvent enregistrer une image que tous les 1/16 de seconde environ.
C'est pourquoi, quand il se déplace très rapidement, un objet paraît flou ; ses images successives, distinctes mais très voisines, semblent se fondre les unes dans les autres et forment un flot continu.
Encore à titre d'exemple, si une pièce sombre est brusquement éclairée par une vive lumière, on peut continuer de la voir illuminée pendant un bref instant après la disparition de la lumière. C'est ce que l'on nomme communément l'
image eidétique (du grec eidos, la forme, l'image, l'essence). Après l'arrêt d'une stimulation lumineuse, les fibres nerveuses de l'œil continuent en effet d'envoyer des signaux au cerveau pendant une fraction de seconde.

La persistance rétinienne est généralement attribuée aux éléments de la rétine et particulièrement au « pourpre rétinien ». Les pigments de la rétine seraient décolorés par la lumière, permettant l'excitation des cellules sensorielles (qui en sont pourvues) et alors qu'une région est ainsi décolorée, et avant que le cycle chimique ne commence, cette partie deviendrait moins sensible… d'où la persistance de certaines images (bien d'autres explications ont été également données).
Ce que l'on sait sur les propriétés des cellules et des fibres nerveuses sensitives sont de peu de secours parce que rien, à l'heure actuelle, ne peut expliquer la diversité des images, ni surtout la persistance de leur forme...

En ce qui concerne le praxinoscope (et tous les systèmes d'animation) on pourrait donc croire à une succession d'images qui, mises en rotation, va former un mouvement flou. Mais c'est justement grâce aux miroirs bien distincts et aux bandes noires entre chaque image que l'œil pourra distinguer nettement le mouvement. En quelque sorte, il va pouvoir se rafraîchir entre chaque pose pour en accueillir une nouvelle et ainsi de suite. Le mouvement commencera à paraître « réel » et agréable si les images défilent à la vitesse de 16 par seconde. Un praxinoscope de Reynaud a 12 images différentes, donc il faudrait que le cylindre tourne à une vitesse de 4/3 de tour par seconde, soit un tour et un tiers par seconde…?

Mais cet objet d'antiquité ne recherche évidemment pas la perfection. Les frères Lumière en inventant le cinématographe en 1895 avaient défini aussi la vitesse de projection à 16 images par secondes pour des questions pratiques. Mais il s'avère que les premiers films montrent des actions qui semblent accélérées (ce n'est qu'une impression). La norme actuelle est de 24 images par seconde. La télévision, elle, en France, défile à raison de 25 images par seconde et les dessins animés des studios Disney, notamment, à 30 par souci de rendre ses personnages vivants et presque réels.

Mais, vigilance ! Il a été observé qu'à partir de 25 images par seconde, la vingt-cinquième ne serait pas perçue « consciemment » par notre cerveau, mais donc inconsciemment. C'est-à-dire que cette image serait assimilée sans que l'on s'en rende compte. On l'appelle image subliminale. Ainsi, lors des élections présidentielles américaines de 1999, on a pu constater que le spot de campagne de George W. Bush présentait un message d'insulte destiné à son adversaire : « Al Gore, rat ! » (« salaud ! »).
Enfin, cela est une autre histoire...